09/07/2018

18. bégayer
[construire une ville avec des mots]

Photo by Dominique Paillard
18. bégayer

Tout semble pareil, mais si différent. Rien ne change, c’est toujours le même quartier, toujours les mêmes rues, les mêmes appartements, tout semble pareil, mais si différent. Les lumières de la ville balaient les étoiles si fragiles. La ville s’étale. Au niveau de la rue, les néons aux couleurs multiples de l’arc-en-ciel veillent. Tout semble pareil, mais si différent. Le temps a glissé sur le bitume râpé, craquelé, parfois défoncé. Puis les enseignes, les noms s’égrainent au rythme de la foulée, lente ou rapide selon l’humeur. Et tout semble pareil, l’enseigne de la Pizza Hut, l’agence de location de voitures Hertz, le McDonald’s, l’enseigne défoncée et grinçante du Park Hôtel et le parking 24/7. Tout semble pareil, mais si différent. Jamais au même endroit ces enseignes et toujours présentes à tous les coins de rue. Tout semble pareil, mais si différent. Trois marins déambulent dans les quartiers animés de la ville. Un couple traverse la rue en courant, tout semble pareil, le même désir, le même baiser passionné, mais si différent ce baiser. Une femme de ménage passe le porche d’un immeuble. Tout semble pareil depuis qu’elle a commencé à travailler à l’âge de 15 ans, mais si différent. Le videur du club de jazz vient de s’offrir un coca au distributeur du garage du coin de la rue, tout semble pareil. Il ingurgite la bouteille en verre de 25cl en buvant de longues gorgées au goulot. Tout semble pareil, mais si différent. Et la ville s’enfonce dans la nuit. 


[contribution atelier  F. Bon - Tiers livre 2018]