25/01/2023

carnet|janvier /// 2023


photo © DEP

100 mots, tous les jours ou presque posés comme ils viennent... 


crnt|25•01•23

Le cercle infernal de la récurrence des gestes, des activités, des pensées comme si l’esprit, contraint au vide, à l’essorage implacable des idées, se retrouvait orphelin d’un espace incroyablement source de régénérescence. La vie dans tout ce qu’elle a de monotone, d’inconsistant, et malgré tous ces freins, ses obstacles souvent insurmontables, caller un temps précieux d’épanouissement de l’âme, développer dans un souci d’existence, de création un lieu à soi où la force du désir serait le plus fort, où le rendu de son imaginaire serait le reflet de son moi intérieur dans un univers explosif, mais nécessaire, vital et libérateur.


crnt|24•01•23

Pour protéger mon espace, les mettre à distance, les laisser en bordure, à la frontière du possible, en périphérie de mon existence, ne pas se laisser atteindre, transpercer par des riens inutiles, s’évader vers des contrée paisibles, douces à mon âme, de celles qui bercent mes pensées et nourrissent mon esprit, s’installer sur une terre fertile et contempler la campagne tout autour, jamais loin de l’océan, souvent beignée dans une atmosphère saline à l’odeur prononcée d’iode et algues marines, regarder le ballet des oiseaux dans le ciel et  saluer la montagne sacrée au loin au sommet saupoudrée de neige éphémère


crnt|23•01•23

L’énergie d’un début de semaine synthétisé par un simple bonjour matinal diffusé dans le jour naissant. C’est ça, tout tient dans ce bonjour matinal et sa propagation dans l’air, dans le futile, l’abstrait, l’incolore. Un bonjour matinal si léger, si pudique que peut-être il s’effraie lui-même, se surprend dans sa façon d’être dans l’instant, au moment où le mot est prononcé, où le son se propage pour être entendu, intégré, compris. Il est perçu comme une offrande, un don dans ce qu’il implique de généreux. C’est un bonjour bienfaiteur qui mérite d’être renouvelé le jour d’après et le jour suivant.


crnt|22•01•23

Le long de la rive, tout se tait. Un silence pesant s’installe, domine peu à peu l’espace environnant. Le temps s’égrène sans que personne n’en prenne conscience. C’est bien dommage. Suspension des particules dans les airs. Et lorsque l’idée du regret des jours sans lendemain transperce la couche épaisse de ses pensées, elle cherche son visage quelque part dans le feuillage des arbres, dans un reflet, dans la terre nourricière, le son de sa voix dans le souffle du vent, le chant d’un oiseau ou celui de l’eau qui tombe en cascade, à croiser son regard derrière ses paupières closes.


crnt|21•01•23

Se perdre dans les méandres d’un voyage imaginaire et se demander si on en reviendra un jour, aimer cette idée, explorer un pays au bord du vide, jouer avec les mots qui bordent le précipice et poursuivre la route plus paisible qu’hier, rassuré d’avoir gravi les étapes au fur et à mesure sans se retourner, sans questionner le monde entier sur le devenir de son existence au moment où tout est sensé basculer, glisser sur des pentes imprévues et imprévisibles juste avant de s’y confronter et sourire à la vie, implorer sa bienveillance pour terminer le chemin apaisé et serein.


crnt|20•01•23

Et si la vie était ailleurs ? Juste prendre la route pour le plaisir d’avancer, le simple mouvement d’aller quelque part vers un lieu indéfini, inconnu, hors des frontières imaginaires. Se réjouir du chemin à parcourir, se régaler de tous ces petits riens, faire en sorte que le temps se distende à l’infini. Ne jamais arriver, être présent au présent. Un regard en arrière pour se nourrir du passer, accueillir demain comme une promesse et surtout, surtout se délecter de chaque seconde qui passent, devenir peu à peu se présent si fluide qu’il nous échappe souvent et accepter sa réalité.


crnt|19•01•23

Rien ne saurait te faire croire le contraire aurait pu souligner ton ami. Il te connaissait bien. Et puis, la fuite en avant, partout et nulle part, ailleurs très certainement. Il te cherche encore aujourd’hui. Sonde les yeux des passants dans les rues encombrées, interroge les silhouettes grandes et élancées, attend qu’elles se retournent sur un visage inconnu de lui. Déception. La peur de ne jamais te rejoindre à l’angle d’une rue, de ne jamais de retrouver pour évoquer le temps passé, celui à venir. Ces lendemains tristes à vivre sans toi à ses côtés.


crnt|18•01•23

Le front collé à la vitre, la buée se propage, s’étend, dissimule peu à peu l’extérieur. On devine des formes rondes voleter, certainement des petits flocons cotonneux et soyeux. On imagine alors ce que pourrait être un espace blanc, on tente la projection tout en prenant conscience de la difficulté à le concevoir, de la difficulté à se projeter dans un monde monochrome, sans contours, sans limite d’horizon, sans nom. C’est un chemin solitaire, éblouissant, aveuglant, qui laisse songeur les âmes curieuses. Depuis des décennies, il rend fou les marcheurs inconscients, ceux dont les rêves ont dépassé jusqu’à leur espérance.


crnt|17•01•23

Le vent, la pluie, la tempête sévit au large. A l’entrée des terres, les bourrasques se renforcent en intensité. Les gens s’enferment chez eux, au chaud, à l’abris des humeurs changeantes de la nature. Dehors, ça siffle, ça claque, ça tombe. Il fait nuit et on devine le mouvement souple des branches dansant dans le parc tel un ballet de bras déstructuré sur la scène d’un théâtre moderne. Les averses se succèdent, laissent derrière leurs passages un paysage aux multiples miroirs, des miroirs d’eau miniatures où les façades des bâtiments se reflètent en partie. Image surprenante d’un monde à l’envers. 

crnt|16•01•23

L’écriture tourne et retourne sa matière dans un espace aux contours familiers. Ça commence par des détails, des détails du proche, du lieu, du corps. Comme un souffle, une caresse, une attention à l’existant qui peu à peu se livre, se loge parfois dans les recoins de la mémoire ou décide de se dévoiler dans un temps de fragile lucidité. Peur de l’écriture ? Ou plutôt peur de rentrer dedans, de s’y perdre, de ne plus rien maîtriser, mais en quoi a-t-elle besoin d’être maîtrisée ? Juste la vivre, lui donner une chance d’exister, la travailler comme un objet précieux.


crnt|15•01•23

Pour tout ce qui est tu ou pas encore dit, pour tout ce qui n'est pas imprimable ou pas encore écrit. Vertige. Dans un carnet, les mots empilés, étalés, rayés, grossis, raturés, appliqués. Expérience du présent morcelé. Se contraindre pour oser, se libérer, se surprendre. Dériver vers des matins explosifs, écouter les silences, abandonner les peurs. Trouver son identité dans des fragments de vies inventées et crier au monde la réussite de sa survie au-delà des pertes, au-delà des doutes. L’horizon se teinte d’une lumière particulière, celle de l’espoir, de la poursuite de la vie.