17. la notion d’obstacle
[construire une ville avec des mots]
Photo by Dominique Paillard |
17. la notion d’obstacle
Penser qu’il est impossible de se perdre dans la ville, que tout y est indiqué, que tout est balisé, ordonné, classifié. Faux. Dans sa tête, un léger brouillard masquait la réalité, c’était brouillon. Le point de départ ? L’arrivée ? Dans sa main, un papier froissé. Sur ce papier, une adresse. Incertaine. Comprendre qu’il fallait prendre le bus. Mais quel bus ? Quel arrêt sélectionner ? Quelle direction choisir ? Et une fois dans le bus, descendre à quelle station ? Des bribes de phrases lui reviennent, incomplètes, confuses. Les mots se perdent dans un néant angoissant. Monter dans le bus. Un numéro… Au hasard. Se laisser guider par son instinct. Faut déjà songer à descendre, mais où ? Quel cauchemar !
Quand le chauffeur de taxi ne trouve pas l’adresse indiquée… et que le compteur ne s’arrête pas de tourner. Visage décomposé. Mains moites. Cœur déchiré. Le taxi quadrille le quartier à l’affût d’un indice. Insiste. Je n’vais pas vous abandonner comme ça ma pauv’dame… Déception. Comment a-t-il pu lui communiquer une fausse adresse ? Trop naïve. Elle aurait dû regarder sur Google Map, se renseigner. Et maintenant ? Quelle issue ?
Monter dans le bus. Se sentir pressée par un groupe de jeunes délurés. Eprouver un inconfort, mais sans plus. Se renfermer dans sa bulle. Messes basses, ricanements et regards fuyants. Ignorer. Etre captivée par la fin de son roman et ne plus faire de lien avec le réel. Descendre du bus sous les regards moqueurs de ces mêmes jeunes gens. Se retourner comme avertie par un pressentiment et apercevoir à travers la vitre du bus les visages congestionnés par des rires grossiers. Dans l’une des mains brandie, son portefeuille. Par la vitre entrouverte, il atterrit sur le bitume. Vide.
[contribution atelier F. Bon - Tiers livre 2018]