31/12/2008

brève2nuit [23]

chaussure perdue
chaussure égarée dans le caniveau
flotte chaussure comme le bateau de papier
chaussure perdue
chaussure éculée au bout du pied
troue le cuir chaussure comme une plaie de chagrin
chaussure perdue
chaussure suspendue dans l'arbre du square
pleure chaussure la peur du vertige
chaussure perdue
chaussure enviée derrière la vitrine
murmure chaussure l'envie de t'évader
chaussure perdue
chaussure assassinée au fond d'une poubelle
crie chaussure ton désir de revivre
chaussure perdue
chaussure évincée du monde
va chaussure par d'autres chemins
écouter ce que devient ce monde

30/12/2008

brève2nuit [22]

les rumeurs de la ville n'atteignaient jamais son refuge, sous les toits de la ville. rien de surprenant. rien de gênant. d'ailleurs, il les connaissait par cœur. elles étaient inépuisables. les rumeurs de la ville. parfois intéressantes, parfois surprenantes, parfois méprisantes, parfois intransigeantes. il préférait les savoir loin de lui, loin de ses fragiles pensées. les rumeurs de la ville.

29/12/2008

brève2nuit [21]

au centre du bâtiment
une porte vitrée à deux battants
au-dessus de cette porte
une enseigne
café du Centre
à l'étage
sans surprise
l'hôtel du Centre

en haut de l'escalier
un étroit couloir
douille dénudée
tapisserie déchirée
peinture craquelée
portes entrebaîllées
aucune intimité
habitués excédés

au bout du couloir
une porte fermée
l'homme s'approche
à pas de velours
sort son 22 long rifle de sa poche
ouvre la porte
tire
fait mouche

28/12/2008

brève2nuit [20]

marcher courir
pourquoi courir quand on peut marcher
courir ne sert à rien
surtout dans la rue
ça dérange
marcher courir
pourquoi courir quand on peut marcher
puisqu'on peut marcher
surtout dans la rue
c'est même recommandé
marcher courir
pourquoi marcher quand on peut courir
marcher peut être monotone
courir rend plus vulnérable
surtout les jours fériés
marcher courir
pourquoi marcher quand on peut courir
et pourquoi courir quand on peut marcher
question de point de vue

27/12/2008

brève2nuit [19]

chapeau mou
chapeau flou
chapeau vole
chapeau s'envole
chapeau perdu
chapeau retrouvé
chapeau égaré
chapeau superflu
chapeau avant-gardiste
chapeau évasé
chapeau absent
chapeau énervant
chapeau endimanché
chapeau bibi
je vous remercie

26/12/2008

brève2nuit [18]

une ombre au coin de la rue
l'ombre disparaît
… disparaît l'ombre…
une ombre au coin de la rue
l'ombre réapparaît
… réapparaît l'ombre…
une ombre au coin de la rue
qui a vu l'ombre
… qui a vu l'ombre…
une ombre au coin de la rue
personne
… pas moi…
une ombre au coin de la rue
pas de coin
plus d'ombre

25/12/2008

brève2nuit [17]

l'homme qui marchait dans la rue avançait d'un pas nerveux, saccadé. la foule le gênait, c'était évident. il aurait aimé être seul. un marcheur solitaire dans cette rue si familière et constamment bondée de gens pressés. il se serait imaginé arpentant librement son trottoir grossièrement défoncé par les racines des arbres bordant la chaussée. il aurait exprimé son humeur du moment "tiens, n'est-ce pas fabuleux de se promener à cette heure du jour?" mais quelle heure de la journée ou de la nuit aurait-ce été réellement pour qu'il n'eût eu absolument personne à croiser? cette rue était en effet une artère passante qui jamais ne se vidait, c'était une performance indéniable, un ballet incessant d'hommes et de femmes du quartier ou d'ailleurs. alors, que faire?

l'homme qui marchait dans la rue avançait d'un pas résigné, se laissant bousculer comme chaque matin, comme chaque après-midi, comme chaque soir. la foule le saoulait, c'était évident. il aurait aimé crier au monde son angoisse à longer chaque jour cette rue qui jamais ne se dépeuplait. vague humaine surmontant chaque jour les obstacles, inlassablement chaque jour, même les jours fériés. surtout les jours fériés. il aurait pu envisager une solution "je changerais de rue. un jour. oui, c'est ça, un jour je changerais de rue, je changerais de rue, je partirais…" pour aller où?

l'homme qui marchait dans la rue avançait d'un pas chancelant, bousculant chaque individu qui négligeait sa trajectoire. il aurait aimé rencontrer une personne, une vraie personne qui aurait enfin croisée son regard. il aurait pu lui dire "…". il n'aurait rien à lui dire. il était dans un sale état. il ne pensait déjà plus par lui-même. dans un autre temps, il aurait pu se dire que le monde, il s'en foutait, qu'il était assez fort pour se frayer un passage dans sa propre rue et que finalement, ce n'était pas si compliqué. il aurait pu se dire tout ça, mais il ne l'a pas fait.

l'homme qui marchait dans la rue ne marchait plus. il gisait. le corps en vrac, tel une poupée chiffons abandonnée, perdue. la tête dans le caniveau, à même les déchets. et les passants marchaient…

24/12/2008

brève2nuit [16]

elle sort
elle entre
elle ressort
elle rentre
[la porte]
puis elle sort
fait deux pas
et entre une nouvelle fois
[la porte claque]
elle sort et enfile la manche droite de son manteau
elle attend
fait trois pas
demi-tour
elle entre
[la porte ne claque pas]
elle sort et remet sa chaussure droite
perd l'équilibre
rentre
[la porte reste entrebaîllée]
elle ressort et couvre sa tête d'un chapeau fantaisie
rouge piment et autre
un coup de vent
vole le chapeau
elle revient sur ses pas
court
rentre
[la porte se referme nerveusement]
elle ouvre la porte
elle ne sort pas
et ne rentre pas non plus
elle reste là
figée
entre deux
[la porte n'est plus là]

23/12/2008

brève2nuit [15]

le silence pesant du milieu de la nuit
déchire l'espace endormi
engouffre la respiration
et assassine les remords
le bruit se tait
les pensées se figent

un souffle
seulement
comme un halètement
fuit
trahison
d'où vient-il
il fait trop noir pour le savoir

tissu froissé
trop exposé
vide maîtrisé
pas affolés
gorge serrée
ventre éparpillé

la nuit poursuit son destin
dans les abîmes du souvenir
et se perd parfois au coin d'une ruelle
se nourrit de micro-instantanés
et balance à qui veut bien l'entendre
les murmures d'un son abstrait

va la nuit
va le silence
vont les angoisses
vont les présents douloureux
chassez-les
et sortez de la nuit

22/12/2008

brève2nuit [14]

un cri dans la nuit
tétanise les sens
glace le corps
accélère les battements du cœur
affine l'ouïe
met le souffle en apnée

un cri dans la nuit
besoin de savoir
d'imaginer
de localiser
de s'intéresser
d'improviser

un cri dans la nuit
la peur
l'effroi
l'étonnement
le questionnement
l'incertitude

un cri dans la nuit
profond
surprenant
évocateur
percutant
destructeur

un cri dans la nuit
échappé de nulle part
qui peut savoir
réveil de l'imagination
stupeur du réel
et s'en va le doute

un cri dans la nuit
sommeil perturbé
rêve éveillé
cauchemar assuré
angoisse alertée

[un cri…]

21/12/2008

brève2nuit [13]

il n'y a plus rien à faire
ville enveloppée dans la brume matinale
épaisseur de la texture
insaisissable
filtre de jour
visibilité nulle
mange le voile
déchire le nuage
nuit déplaisante
envahissante
lever du jour
rien de plus

20/12/2008

brève2nuit [12]

ciel! ô ciel!
ciel de lit
velours et brocard
douceur d'un souffle venu d'ailleurs
tombé du ciel

ciel! ô ciel!
ciel de lit
à ciel ouvert
sur des pensées décousues
vites disparus

ciel! ô ciel!
feu du ciel
surgi du chaos
de l'enfer des attentes
remue ciel et terre

ciel! ô ciel!
tombé du ciel
un arc-en-ciel
au septième ciel
ciel!

ciel! ô ciel!

19/12/2008

brève2nuit [11]

je vois une rue étroite à peine éclairée
je sens le vent glacial s'engouffrer
transpercer mon corps
je vois la neige virevolter
essaim de flocons cotonneux
je sens mes pas se perdre vers l'inconnu
inconnu
je vois une porte entrebâillée
tape la porte
grincent les gonds
je sens mes doigts se crisper
poings fermés
je vois le réverbère cassé
endeuillé
je sens approcher l'inquiétude
roder l'incertitude
je vois
je ne vois plus le trottoir
aïe!
je sens
je ne sens plus mon corps
et
et j'entends le pas feutré d'un homme
et
et j'effleure la silhouette opaque d'un souvenir déjà évanoui

18/12/2008

brève2nuit [10]

sur le trottoir désert
un caddie solitaire
à l'intérieur
rien
ah bon

17/12/2008

brève2nuit [9]

celui qui marche dans la nuit
seul
ne cherche rien
ou presque rien
ou peut-être quelque chose
quelque chose de rien
enfin, pas grand chose

16/12/2008

brève2nuit [8]

la nuit
la ville
lumière diffuse
corps enveloppés d'une écharpe de brume
vêtements alourdis d'infimes gouttelettes vaporeuses
mains enfoncées dans les poches
épaules rentrées
visage à demi enfoui dans le col roulé
frissons
mais où la lune se cache-t-elle?

15/12/2008

brève2nuit [7]

ville monochrome
tristesse du jour
profond assombrissement de la nuit
l'eau coule dans le caniveau, fluide, insaisissable et disparaît
un arbre décharné soupire
un chien errant, épaules basses, décampe
une couverture cramoisie oubliée sous un carton imbibé d'humidité
et puis…

14/12/2008

brève2nuit [6]

la ville dort
que se passe-t-il la nuit quand les réverbères faiblissent
que le vent chuchote au creux de l'oreille endormie les mélodies oubliées
quand l'odeur âcre des pots d'échappement s'estompe pour quelques heures
quand le fleuve coule dans l'indifférence de tous si bien qu'il pourrait changer le sens de sa course, personne ne le découvrirait, sauf peut-être le clochard du pont de la Hume… il a l'oreille fine

13/12/2008

brève2nuit [5]

son regard frôle le sol humide, fixe le bout luisant de ses chaussures neuves, puis s'écarte brusquement pour se fondre dans la foule.
perdu.

12/12/2008

brève2nuit [4]

brillance de l'asphalte sous la pluie
la nuit
réverbères allumés
lumière diffuse
tombent les gouttes d'eau
❘ ploc-floc floc-ploc ploc-ploc-floc floc-floc-floc- ploc ❘

11/12/2008

brève2nuit [3]

celui qui marche dans la nuit
celui qui cherche le jour
celui qui n'en finit plus de partir
celui par qui la nouvelle arrive
celui qui rêve debout
celui qui regarde le ciel

10/12/2008

brève2nuit [2]

cette nuit, un hérisson s'est pendu dans ma salle de bains
triste spectacle!
matinée gâchée

09/12/2008

brève2nuit [1]

le squelette du dinosaure gît sur le sol
un pied le heurte de plein fouet
violente disparition
recherche minutieuse