12/08/2018

32. ciels ma ville !

[construire une ville avec des mots]

Ciel prometteur. Juste par-dessus les toits. Ciel réfractaire. Reflet de nuages dans une flaque d’eau. Ciel d’averses. Balayage uniforme de l’exubérance nuageuse. Coup de pinceau, gris délavé. Gouttes de cristal tombant, monotones, sur les tombes. Comme si la ville suintait ses morts. Au coin du cimetière, une fillette à cloche pied fredonne une comptine. Ciel émacié. Vidé de son existence. Comme si la ville avait passé un pacte avec le diable. La prison ouvre ses portes, un détenu en sort. Libre. Et le ciel se courbe, salue la bonne nouvelle, se teinte de rose, apprête ses nuages au couchant dans une tentative de révérence, maladroite. Ciel démuni. Privé de son air, disparu par vagues successives. Flottement sur le boulevard. Lumière terne, délavée, fanée. Comme si la crémière, au coin de la rue, avait fait sauter les fusibles de son étal réfrigéré. Ciel déshabillé. Innocence de l’instant vécu. Bleu de fête, lumineux. Comme si les habitants du quartier exultaient de s’asseoir sur un banc, de partager un jour sans frontière, de se restaurer au bord du fleuve, de faire à queue à la boulangerie. Ciel surprenant. Particulier, longeant les murs de la ville. Ciel qui roule sur lui-même, devient matière et rentre dans la chambre du troisième. Lumière neutre. Comme si l’incompréhension se posait. Le cours de la vie se poursuit, invisible. Au dehors, le ciel matériel s’est reconstruit. La vie n’a jamais cessé d’exister, la ville de se construire et les ciels se succèdent parfois dans une indifférence désolante, parfois dans une adoration mystique. Les couleurs valsent à faire pâlir de honte un arc-en-ciel vigoureux et défient les feux d’artifice les plus prometteurs. De temps à autre, une âme mélancolique se prend à invoquer le ciel qui, joueur, découd le bord de ses nuages bedonnants tels des édredons bien douillés et libère leurs traines vaporeuses.



[contribution atelier F. Bon - Tiers livre été 2018]