31. Calvino et les morts
[construire une ville avec des mots]
Quand la ville reprend haleine. Quand la ville déborde. Quand la ville réverbère. Quand la ville s’assoupit auprès de ses âmes. Et puis, quand la ville se meurt. Où vont les morts présents dans la rubrique nécrologique du jour ? Repérer, pister, accompagner, ensevelir. Faire trois fois le tour du cimetière avant de passer la grille, se sentir vivant. Il y a la ville qui existe, il y a la ville qui succombe. Quand la ville récolte le dernier souffle dans un murmure à peine perceptible. Quand la vie devient poussière et s’étale sur la surface rugueuse d’un timbre poste. Imaginer. En prenant de la hauteur, le cimetière ressemblerait à l’intérieur d’un album de timbres : petits carrés bien ordonnés, bien entretenus, secs. Quand la ville se meurt, où vont les morts présents dans la rubrique nécrologique du jour ? Suffoquer, succomber, reposer, inhumer. Faire trois fois le tour du cimetière avant de passer la grille, se sentir absent. Il y a la ville à côté et celle de l’entre deux ciels. La naissance, la mort. Il y a la ville de la bascule. Cet espace de non lieu où tout peut surgir, ou rien ne jaillit. Quand la ville absente. Quand la ville compte ses morts dans la rubrique nécrologique, où vont-ils ? Boîtes réfrigérées, entassées, éparpillés. Silence. Silence de la mort serait plus approprié. Faire trois fois le tour du cimetière avant de passer la grille et ne rien ressentir que le vide.
[contribution atelier F. Bon - Tiers livre été 2018]