40. limite
[construire une ville avec des mots]
Le canal effleure la ville comme s’il refusait de s’y glisser, de s’y engager, d’y laisser une empreinte. Il l’évite, se met à l’écart, la toise de son regard silencieux et passe son chemin. Avec indifférence, il invite l’élément liquide à longer le quai aménagé pour les promenades urbaines et préfère porter son attention vers l’autre rive, la végétale, la sauvage. De ce côté de l’eau, aucune trace de civilisation. Le chemin qui borde le rivage est en terre. Au-delà, c’est la forêt, touffue, regorgeant de hautes fougères. Il faut y être initié pour s’avancer dans ce labyrinthe verdoyant. Le canal s’inscrit comme une frontière, une ligne imaginaire, un poste de passage. Ici se termine l’expansion de la ville, rien d’urbain ne peut traverser ce paisible corps fluide qui symbolise l’extrémité, la lisière de la civilisation. Etrange concept que ces deux parties opposées à peine juxtaposées, délimitées par un ruban humide aux teintes variables allant du vert cristal, du bleu profond au gris perlé selon les caprices des ciels.
[contribution atelier F. Bon - Tiers livre été 2018]