100 mots, tous les jours ou presque posés comme ils viennent...
crnt|17•04•23
sur les lignes du tram, le regard du dedans, la vie au-dehors. Il faut maintenant reprendre le cours de la vie ordinaire et traverser Tivoli au lever du jour, longer Émile Combes, passer le rond-point, reprendre ensuite Émile Combes quelques mètres avant de s’engouffrer à droite dans la rue Molière, puis tourner encore à droite rue Bonnaous avant de bifurquer cette fois à gauche rue de la république, la remonter dans son intégralité avant de traverser Léon Blum et de poursuivre sur l’avenue du 8 mai 1945 jusqu’au bout, jusqu’à l’avenue de la libération et, tout proche, l’arrêt du tram.
crnt|16•04•23
Avoir dans la tête des images qui ne sont pas les miennes, des mots qui ne m’appartiennent pas, un univers qui pourrait me ressembler, mais qui n’est pas celui dans lequel je vis. J’hésite, je cherche, je me perds. Se rapprocher d’une partie de ce qui pourrait être et s’éloigner parfois de ce qu’on est, pas trop loin tout de même, à une distance raisonnable. Les mots peuvent être trompeurs à certain moment, éblouir, aveugler et nous éloigner de notre propre langage. Rester vigilant. S’accorder du temps pour veiller au sens des mots diffusés. Veiller à la continuité des mots.
crnt|15•04•23
Battre les cartes du temps. Lire des bribes de vie, ici et là. Les faire siennes. S’évader dans les mots, les siens, les autres. Regarder le jardin qui reprend vie depuis quelques jours, surtout l’érable japonais qui est magnifique avec ses petites feuilles ciselées vert tendre. Oxygène. Sentir les rayons du soleil réchauffer la peau, jouer à travers l’étoffe de la chemise. Choisir un thé vert pour le début de l’après-midi, moelleux, soyeux à souhait. À quatre heures, tremper dans un verre de lait des madeleines, les savourer une par une en les laissant s’imbiber de ce doux liquide blanc.
crnt|13•04•23
Frustration de ne pouvoir tout raconter. Le texte s’enfuit, glisse et m’échappe, je tente de m’y accrocher, de le retenir un temps. Ça pourrait être le début d’une histoire, l’histoire d’un lieu, d’une époque, d’une saison, d’un visage ou d’un mot. Tout est sujet à écriture, à la confrontation de soi sur un terrain sensible qui ne demande qu’à s’épanouir et à me conduire vers des contrées lointaines pleines d’imprévus, de surprises. Bien souvent, il ne manque que soi au rendez-vous, alors que tout existe autour. Il m’arrive de fermer les yeux et de penser très fort à la suite.
crnt|12•04•23
Écouter le vent, regarder la pluie tomber derrière la fenêtre maculée de gouttes d’eau, à l’abri, au chaud, se projeter dans une journée citadine qui aurait dû se dérouler ailleurs, à rouler à la découverte d’autres paysages. On aurait vu la mer, les marais salants, les canaux et les petites écluses qui régulent la vie dans cet écosystème particulier où la vie s’écoule au rythme des saisons, du vent, du soleil, de la pluie. On aurait vu la mer à la pointe de l’herbaudière, on aurait marché sur des sentiers retirés du monde à l’écart des regards, seuls au monde.
crnt|11•04•23
Rouler, rouler, rouler. Fin de journée, de gros nuages noirs rentrent sur le continent. Se dire qu’il va falloir écourter le séjour, qu’il est impossible de s’exposer aux mauvaises conditions météorologiques, que le temps ne s’y prête pas, pas cette fois. Ne pas se mettre dans des difficultés inutiles. Renoncer pour un temps. Échanger sur de futurs projets, ouvrir d’autres perspectives. Rentrer chez soi en gardant en mémoire des bribes de journée à pédaler sur les chemins de terre le long du front de mer, vent de face, vent de dos, à la découverte du littoral aux douces senteurs printanières.
crnt|10•04•23
La traversée fut rapide, puis on a attendu en arpentant le quai, en s’enfonçant dans les ruelles, derrière le port, en s’arrêtant aux terrasses des cafés pour observer le va-et-vient des îliens, des habitués, des nouveaux arrivés. Chacun vaque à ses occupations. Et c’est comme un ballet qui s’offre à nous de vacanciers qui partent et débarquent pour quelques heures, quelques jours ou resteront à jamais. Alors, on se projette, on essaie d’imaginer une vie ici, au calme, coupé du continent et de sa tourmente quotidienne, on essaie d’imaginer pour le temps qui reste, profiter de ce lieu hors temps.
crnt|09•04•23
Oublier la semaine passée et rentrer dans un autre temps, celui des départs vers d’autres destinations, d'autres lieux à découvrir, à ressentir, à partager. Rouler quelques heures et se retrouver en bord de mer à scruter l’horizon à la recherche d’une terre proche flottant entre ciel et mer. La repérer dans son écrin de brume. Se poster derrière la dune, à l’abri du vent marin et attendre la tombée de la nuit. Se dire qu’on est bien, qu’on n’est pas loin. Profiter de ce moment au calme, en harmonie avec la nature environnante. S’endormir bercé par le bruit des vagues.
crnt|08•04•23
Écouter les mots venus d’ailleurs et reconnaitre la signature de chacun, l’empreinte du rythme de la phrase, le sens profond et souvent caché d’un appel à comprendre et ne ressentir que l’essence même du dire. La sensibilité de la musique d’un mot venu s’intercaler au fil des paragraphes interpelle notre intime secret jamais dévoilée et enclenche un processus de reconnaissance, de rapprochement pour finalement basculer dans quelque chose qui parle, s’exprime, se dévoile. Dehors, il fait beau. Le chat attend, assis sur le rebord de la fenêtre, à l’écoute des bruits intérieurs, si familiers et la journée va se poursuivre.
crnt|07•04•23
Je note pour ne pas oublier. Et cette nécessité, cette pulsion sortie de soi pour dire le présent, le capter à jamais pour ne pas oublier. Laisser une trace, même infime, dans l’urgence d’un monde sans cesse en renouvellement, pour ne pas oublier. Faire en sorte d’exister à soi-même et aux autres, tous ceux qu’on aime et qui nous permettent d’avancer, de cheminer dans l’existence, pour ne pas oublier. Rester attentive, à l’écoute pour mieux retranscrire le vivant, ce qui est, a été, et sera dans un avenir proche, pour ne pas oublier. Cumuler, empiler, conserver, pour ne pas oublier.
crnt|06•04•23
sur les lignes du tram, le regard du dedans, la vie au dehors. Jour de grève, peu de monde dans les moyens de transport en commun. Le tram n’a jamais été aussi vide à cette heure de la matinée. Fluidité, espace. Où sont-ils tous partis ? Les deux carrés du font sont vides, huit places pour moi toute seule. Embarras du choix. Redescendre l’avenue de la Libération côté droit ou côté gauche, dans le sens de la marche ou à l’inverse ? Car selon la place, on ne perçoit pas les mêmes sensations, le regard sur la rue est différent.
crnt|05•04•23
Se dire que la vie s’invente chaque jour, même de l’autre côté de la cloison. Les voix traversent le mur, épaisses, graves et aigues à la fois, dévastatrices et intrusives. Ce n’est pas le son de la télévision que les voisins augmentent, on aurait pu le croire au début, dans la confusion. Mais le ton est monté très vite, plus fort, plus violent. Une explication, une dispute verbale, c’est certain. Le choc des mots, juste avant le repas de midi, pour se dire qu’on existe, que l’autre est là, malgré tout. Les portes claquent. L’une plus fort que l’autre. Silence.
crnt|04•04•23
Ce qui exaspère, ce qui énerve, ce qui irrite, ce qui fâche, ce qui provoque, ce qui met en colère, ce qui agace, ce qui excède, ce qui pousse à bout, ce qui enrage, ce qui horripile, ce qui impatiente, ce qui dérange, ce qui importune, ce qui crispe, ce qui fait que la journée ne se déroule pas comme souhaitée, ce qui perturbe, ce qui déstabilise, ce qui désorganise, ce qui déséquilibre, ce qui déstructure, ce qui fait tourner en rond encore et encore et encore, ce qui alerte et montre le chemin à suivre, ce qui apaise parfois
crnt|03•04•23
Faire et refaire trois fois par semaine le même trajet depuis un an et huit mois. Se demander comment chaque jour le réinventer. Porter un autre regard sur le quotidien, les petits riens anodins en apparence, quelques détails qui témoignent de la différence et disent au combien rien n’est jamais pareil. Et pourtant, le trajet en lui-même varie peu, la distance reste identique, les transports fidèles à eux-mêmes. Lassitude du même, du pareil. S’en détacher. Chaque jour, sortir du trajet déjà fixé, s’ouvrir sur ce qui existe à côté, amplifier les détails, repérer l’insolite, sentir la différence, toucher intérieurement l’autre.
crnt|02•04•23
Je regarde l’heure et il n’aurait peut-être pas fallu la lire, détourner le regard, baisser les yeux. Mais les chiffres résonnent dans ma tête, en boucle, rappellent la fragilité de l’instant à vivre. Temps trop court. Rester vigilant. Dehors, les signes extérieurs apportent la confirmation du jour qui décline lentement, désignent les étapes à venir. Alors, accepter la fuite du temps et en faire une force, une alliée. Se dire que rien n’est terrible, poursuivre avec des banalités, alléger ce moment de bascule où on réalise que malgré tout la route se déroule comme un appel à l’emprunter jusqu’au bout.
crnt|01•04•23
Ça ressemble à une explosion contenue dans le cœur. Des mots puissants inscrits et lus sur un écran impersonnel, des mots dont on ne se relève pas, des mots irrévocables sorte de roquettes victorieuses qui touchent la cible et diffusent dans le néant une part de nous. Certaines annonces s’inscrivent dans la case des événements irréversibles et posent l’avenir sur la route des incertitudes, des questionnements, des projections douloureuses. Et même si le temps n’est pas compté, il faudra se familiariser avec les symptômes, l’avancée des troubles de plus en plus handicapants. D’ici-là, revisiter le temps et croire en demain