16/06/2023

atelier écriture_cycle été 2023 #01 | fenêtre intérieure

 La solitude, voilà ce qu’elle ressent à ce moment-là, ce quelque chose pressenti au creux même des plis de son corps. Elle pense être devenue un être solitaire dès que l’écriture prend toute la place, chez elle ou ailleurs, surtout à l’intérieur d’elle-même, elle l’emporte partout ce sentiment, il l’habite au quotidien, voyage avec elle. Aujourd’hui, le regard tendu vers l’horizon, elle en perçoit tout le poids. Et pendant ce temps, les pages d’écriture s’entassent sur un bureau de fortune ou une table de cuisine en Formica, une banquette posée dans le coin d’une pièce commune. Superposées les unes au-dessus des autres, les feuilles stagnent et attendent qu’une autre vienne recouvrir la dernière dans un geste harmonieux, une caresse. Peu importe le lieu où elle écrit, ici, Paris, New York, elle baigne dans une solitude palpable. De chambre d’hôtel en chambre d’hôtel, de maison d’hôte ou de cabane perdue sur une plage déserte ou submergée par une forêt dense, l’essentiel se définit par l’ouverture, la perspective de vue au travers d’une fenêtre, ce point de jonction par lequel le regard s’échappe vers un espace inconnu, une rue, un parc, la mer et offre les bribes d’un commencement, elle ouvre vers l’extérieur et comble la double solitude que représentent la mise à distance du dehors et l’addiction à l’écriture. Peu importe le lieu, les habitudes restent, tenaces, accrochées aux corps écrivant. À portée de main, sur la gauche, un carnet, à droite un stylo et devant ses yeux l’écran, parfois une feuille blanche noircie ou raturée, dessinée. Peu importe le lieu, la solitude est là, présente, palpable sous les mots, enfouie dans le regard, absente du texte à écrire. Alors, tout intérioriser, combler les vides et faire place au geste, à la libération des mots sur le support, à l’encre joueuse et peupler son présent de cette décision d’accepter la solitude intérieure et la vision d’une écriture envahissante et présente partout. 



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