09/06/2018

cycle d’ouverture, un retour

1. revenir

[construire une ville avec des mots]


1. revenir
Photo by Dominique Paillard



Comment revenir alors qu’elle n’avait jamais souhaité partir ? 

Retour étonnant sur le lieu du souvenir. Revenir à la source. Revenir le cœur déchiré, mais libéré. Revenir jusqu’à l’épuisement de l’idée du retour. Revenir pour mieux vivre. Revenir pour exister une nouvelle fois dans ce lieu. Et cette déchirure au fond d’elle-même, toujours présente.

Tout semble pareil, mais si différent. Une vision opaque de couleurs fanées, délavées.

Et puis ce besoin profond de revenir sur les traces du passé pour l’actualiser, le réaliser, lui redonner sens. Partir à sa recherche. Retrouver la sensation même du souvenir qui devient l’incarnation du présent. Se dire que le temps s’est étiré jusqu’à déclencher cette envie d’aller à la rencontre du lieu idéalisé, du lieu empreinte, du lieu vérité. 

Tout semble pareil, mais si différent. Les odeurs du souvenir fusionnent avec celles d’aujourd’hui. Son esprit devient confus, les flagrances se mélangent, se mêlent, se diluent.

Lieu du télescopage : avant, après. Entre : rien. Le vide ou quelques bribes d’images diffuses. Revenir pour combler ce rien entre deux souvenirs. Fouler le sol présent et écouter l’histoire du passé qu’il veut bien dévoiler. Fermer les yeux pour mieux entendre les sons. Etre émue par la résurgence des voix familières. 

Tout semble pareil, mais si différent. Les sons, les voix, la musique d’autrefois lui font perdre de sens de l’équilibre. 

S’approcher, regarder, se projeter. Retrouver l’image du passé et la lier à celle de ce jour. Trouver les différences, tisser des liens. Mais rien ne peut faire revivre les représentations du passé. Le temps s’est écoulé sans état d’âme. La blessure ne s’est toujours pas refermée. 

Le lieu est matériellement là sans vraiment être présent au présent. Fait-il partie du passé pour toujours ? Non, il est bien ancré dans le réel, mais si différent à ses yeux. Est-ce bien lui ? Une étrange sensation de perte la saisit. Le lieu s’échappe de son corps, de son souvenir. Le détachement s’opère. La fracture est là. La différence a englouti son passé, effacé son désir de revenir. Devant elle, un autre lieu a surgit tapissé d’un étrange voile satiné qu’elle seule peut ressentir dans sa profonde intimité.



[contribution à  l'atelier F. Bon - Tiers Livre été 2018]