11/06/2018

3. se retourner

[construire une ville avec des mots]


Photo by Dominique Paillard

3. se retourner


D’un mouvement élégant du corps, se retourner et redécouvrir d’un regard plus concerné l’impasse déjà parcourue. Au bout : la rue. Alors, prendre le temps de se replonger dans le mouvement quotidien de cette artère débordante d’activités. Se laisser emporter par des odeurs d’épices qui cheminent jusqu’à cette voie sans issue et faire abstraction des émanations des pots d’échappement. Tendre l’oreille et réaliser que cette effervescence est étroitement liée à l’heure de pointe. Les véhicules encombrent la chaussée, les piétons le trottoir. Les moteurs vrombissent sur place et les chauffeurs klaxonnent d’impatience dès que le feu de signalisation repasse au vert. La rue devient une sorte d’orchestre où chaque instrument joue une partition de sons qui lui est insolite : interpellations, disputes, cris de joie, salutations, portes qui claquent, coffres de voiture qui se ferment violemment, clefs qui tombent sur le sol, un enfant en colère qui tapent des pieds, une sonnette de vélo qui souhaite de se faire entendre, les portes du tram qui se referment d’un « dong ! », le crissement des freins d’une voiture qui pile. Le trottoir déborde de passants. Ils se frôlent, se bousculent, se jettent des regards noirs, s’insultent parfois, rouspètent de la lenteur des pas imposée par les piétons qui les précèdent. Quelle folie ! Un autre monde à travers une lucarne : la sortie du bout de l’impasse.


[contribution à l'atelier F. Bon - Tiers livre été 2018]