18/06/2018

10. compte triple

[construire une ville avec des mots]

Photo by Dominique Paillard
10. compte triple

Elle se levait, Malabar. Elle rêvait, Malabar. Elle mangeait, Malabar… 
Toute sa journée convergeait vers un objectif quotidien incontournable : le bureau de tabac et le moment où elle déposerait sa pièce de 50 centimes sur le comptoir : « Madame, s’il vous plaît, un Malabarrrrrr… ». L’objet tant convoité serait ainsi déposé devant elle. En devinant le parfum sucrée de la friandise tapisser sa muqueuse nasale, elle jubilerait. Impatiente, elle irait s’asseoir sur un banc. Puis, après avoir débarrassé le petit pavé rose de son papier d’emballage jaune, elle le tâterait, le malaxerait, réchaufferait la texture gourmande avant de séparer délicatement le double boudin rose en deux. La dernière étape serait la plus réjouissante : après avoir longuement mâché la volumineuse pâte et apprécié son goût inégalable, elle déglutirait d’un coup ce fabuleux jus au goût de fraise. Inimitable ! Puis viendrait le détail qui ferait vraiment la différence : la succession des plus belles et des plus grosses bulles ! Sentir la texture caoutchouteuse se répandre en éclatant autour de sa bouche et sur son nez, prendre le temps de tout récupérer avant de recommencer, puis terminer par décoller la décalcomanie du papier d’emballage et décorer sa peau de ce tatouage temporaire. De quoi prolonger le plaisir encore quelques heures avant de se coucher, Malabar 


[contribution à l'atelier F. Bon - Tiers livre 2018]