12/01/2009
brève2nuit [35]
elle entendit les semelles ferrées de l'homme résonner dans la rue. ce soir encore, à l'heure où la nuit bascule vers un autre jour, il était là, faisant les cents pas sous sa fenêtre. au travers des lattes des persiennes, elle avait repéré sa silhouette élancée revêtue d'un imperméable couleur sable au col soigneusement relevé et coiffé d'un chapeau en feutre tellement sombre qu'il lui était impossible d'entrevoir les traits de son visage. cet inconnu, à la précision d'un métronome, lui glaçait le sang. sa présence représentait un mystère. pour endormir sa frayeur, elle compta les pas. vingt-sept de gauche à droite et vingt-six de droite à gauche. en aurait-elle manqué un? un mois venait de s'écouler et cet inconnu prenait une place qu'il n'aurait jamais dû occuper. elle se mit à l'attendre. espérer qu'il arrive plus tôt. et s'il ne venait plus? dès qu'elle repérait le rythme de sa marche, sa peur reprenait le dessus. sa raison s'anéantissait sous l'effet du retour de l'inconnu. elle aurait préféré qu'il cesse ce jeu stupide sur le champ. une nuit de décembre, plutôt douce pour la saison, une jeune femme menue, dont le regard ne captait plus les petits signes de la vie, s'approcha de lui. il se retourna et eut juste le temps de rattraper son corps qui basculait sur la chaussée. il emporta la femme dans ses bras et depuis ce jour-là, jamais elle ne le revit, mais le son des pas claquant sur le trottoir habitent toujours sa mémoire.