l'homme qui marchait dans la rue avançait d'un pas résigné, se laissant bousculer comme chaque matin, comme chaque après-midi, comme chaque soir. la foule le saoulait, c'était évident. il aurait aimé crier au monde son angoisse à longer chaque jour cette rue qui jamais ne se dépeuplait. vague humaine surmontant chaque jour les obstacles, inlassablement chaque jour, même les jours fériés. surtout les jours fériés. il aurait pu envisager une solution "je changerais de rue. un jour. oui, c'est ça, un jour je changerais de rue, je changerais de rue, je partirais…" pour aller où?
l'homme qui marchait dans la rue avançait d'un pas chancelant, bousculant chaque individu qui négligeait sa trajectoire. il aurait aimé rencontrer une personne, une vraie personne qui aurait enfin croisée son regard. il aurait pu lui dire "…". il n'aurait rien à lui dire. il était dans un sale état. il ne pensait déjà plus par lui-même. dans un autre temps, il aurait pu se dire que le monde, il s'en foutait, qu'il était assez fort pour se frayer un passage dans sa propre rue et que finalement, ce n'était pas si compliqué. il aurait pu se dire tout ça, mais il ne l'a pas fait.
l'homme qui marchait dans la rue ne marchait plus. il gisait. le corps en vrac, tel une poupée chiffons abandonnée, perdue. la tête dans le caniveau, à même les déchets. et les passants marchaient…